Alexandra David-Néel et le bouddhisme
Après
de nombreux voyages en Asie, où elle s'initia, sous l'autorité de
grands maîtres, à l'étude des philosophies
orientales et aux enseignements bouddhiques, l'exploratrice française
Alexandra David-Néel (1868-1969) décide de se rendre à Lhassa,
ville sainte du lamaïsme et capitale du Tibet, alors interdite
aux étrangers. En 1924, déguisée en paysanne
tibétaine, elle est la première Européenne
a pénétrer à Lhassa, après un périple
interminable parsemé d'embûches et de difficultés
de toutes sortes. Parcourant le pays et partageant la vie et
les coutumes de ses habitants, elle y noua de profondes amitiés
avec nombre de grands lamas.
Religion populaire
Alexandra David-Néel semblait établir une distinction entre la religion
populaire telle que pratiquée par la majorité de
la population et celle des grands lamas. S'interrogeant sur le
sens véritable de la religion que l'on pratiquait au Tibet,
elle considérait que, malgré la grande ferveur
manifestée par la population, il n'y avait rien de véritablement « religieux » dans
la pratique religieuse des Tibétains, du moins au sens
que nous attachons habituellement à ce terme, précisait-elle.
La religion était, d'une manière générale,
empreinte de magie. Dans « Voyage d’une
Parisienne à Lhassa » (1927), Alexandra
David-Néel raconte une anecdote illustrant fort bien cette différence.
Marchant sur un sentier avec le lama
Yongden, son fils adoptif, ils rencontrent une famille partie en
pèlerinage. Une jeune fille du groupe a peine à marcher.
Ses pieds sont enflés et elle semble épuisée.
La mère demande au lama quel démon est responsable
de cette situation et ce qu'il faut faire. Le lama conseille à la
famille de s’arrêter au prochain chorten pendant
3 jours. Là, il faudra aider la jeune fille à faire
le tour du chorten trois fois par jour, lui masser les
pieds avec de l’eau sanctifiée auquel on ajoutera
quelques grains de sable pour enfin jeter l'eau hors du sentier.
Le démon sera alors emporté avec l’eau. Si
elle ne va pas mieux, c'est que le rituel n’aura pas été respecté.
Il faudra recommencer au prochain chorten. Le lama sait
fort bien qu'il ne parviendra pas à faire admettre à la
famille que la jeune fille a trop marché. Ces montagnards
demeureront convaincus que le mal est causé par les mauvais
esprits et les démons qui hantent les villages et les sentiers
de montagne. Le lama usera donc d’une ruse charitable adaptée
aux croyances des pèlerins.
« Tous les rites
des Tibétains sont à tendance magique, écrit-elle.
Il en est de très naïfs et il en est de très
subtils. Les Tibétains croient que notre monde est contigu à d’autres
mondes peuplés d’êtres différents mais
dont la mentalité a des ressemblances avec la nôtre.
Certains ont développé des sens spéciaux
et parviennent à les discerner. Ces mondes exercent une
influence sur nous et vice versa. Il y a des dieux, des génies,
des démons masculins, féminins. Certains sont bienfaisants,
d’autres sont portés à nuire. Les Tibétains étant
enclins à douter de la bienveillance de ces personnages,
il faut les contraindre à utiliser leurs pouvoirs en notre
faveur. Contraindre un dieu ou un démon est un acte de
magie. Cela ne ressemble pas à la prière. Il est
possible aussi , au lieu de les contraindre, d’user de
procédés aimables en leur donnant des choses qui
leur sont agréables. Une grande partie des rites ont donc
pour but d’obtenir le concours de personnages extra-humains
pour leur bénéfice. »
Recherche philosophique
Chez les moines érudits, la
religion s'apparente davantage, selon elle, à une recherche
philosophique doublée d'un effort de compréhension
de forces particulières.
« L’opinion
des lamas savants est toute différente mais ils ne
l’expriment pas ouvertement. Pour eux, ce monde fantastique
n’est en réalité que le domaine de forces
de différents genres. L’homme qui s’est
initié à la connaissance de ces forces peut
parvenir à produire ces phénomènes que
le commun des hommes considère comme des prodiges. »
Fascinée par l'Himalaya
et ses populations, Alexandra David-Néel fut une grande ethnologue.
Ses écrits permirent de lever le voile sur un monde peu connu
jusque là entouré de mystère. Cherchant à en
comprendre les différentes facettes, elle fut parmi les premières
personnes à tenter de démystifier ce monde surprenant.
Nombre d'explorateurs, de chercheurs, de mystiques ont suivi la trace
de cette pionnière, poussant plus loin les questionnements
et accumulant les connaissances afin de poursuivre la tâche
entreprise.
Site
officiel d'Alexandra David-Néel