Empruntant une route étroite, nous faisons maintenant route vers Bhaktapur, ancienne cité impériale parfois encore appelée Bhatgaon, la cité des dévots. Une paisible campagne déroule ses champs dorés de chaque coté de la petite route. Rivalisant autrefois avec Katmandou et Patan, Bhaktapur fut le véritable centre de rayonnement de la vallée, durant la période des trois royaumes, entre le XIVe et le XVIe siècle. Sa population actuelle est estimée à 61 000 habitants.
Bhaktapur étant pour l'essentiel une ville piétonne, nos fourgonnettes s'arrêtent à la limite nord de la cité. Notre arrivée est saluée par un attroupement d'enfants enjoués et tapageurs. Sadressant à nous dans un anglais très approximatif, ils vont de lun à lautre, posant des questions que nous ne comprenons pas la plupart du temps. Les gamins nous escortent sur le chemin en pente douce conduisant à la vieille cité. L'accès à la ville étant payant pour les touristes, des policiers contrôlent les tickets à l'entrée de Durbar Square. Tandis que les gamins se répandent dans les rues de la ville, chacun part explorer la cité à son rythme.
Durbar Square | Bhaktapur
Le square est vaste et dégagé même si les bâtiments, temples et monuments historiques y sont nombreux. La Sun Dhoka, la porte d'or permettant d'accéder au palais aux cinquante cinq fenêtres, achevée en 1754, est une oeuvre d'art absolument magnifique. La plus remarquable de la vallée dit-on. Tout ici témoigne de la richesse de larchitecture traditionnelle newar.
Une petite rue flanquée de boutiques conduit à Taumadhi Tole. L'impressionnant temple Nyatapola, achevé en 1702, domine la place. Doté dun toit à cinq niveaux superposés, il est le plus élevé du Népal. Tout près, le temple de Bhairabnath dédié à Akash Bhairab, une manifestation à l'aspect féroce du dieu Shiva, est coiffé de trois toits superposés. Deux lions de cuivre gardent ce temple imposant datant du début du XVIIe siècle.
L'absence de circulation automobile dans la ville accentue le caractère médiéval de la cité. Malgré la présence de maisons à plusieurs étages et de nombreuses boutiques et échoppes alignées le long de ses ruelles étroites, Bhaktapur ressemble à un grand village. Les activités qui s'y déroulent sont surtout de nature artisanale, commerçante... même agricole.
J'arpente les rues de la ville, en m'adaptant au rythme qui les anime. Des enfants samusent en courant ici et là. Des femmes font leur lessive au hiti (fontaine publique). Aux fenêtres, des visages ravissants suivent mes pas. L'atmosphère régnant dans les rues de la ville est imprégnée d'une douce tranquillité. J'éprouve le curieux sentiment d'observer l'histoire en train de s'écrire au présent. Le temps s'est arrêté à Bhaktapur.
Tentant de me faire le plus discret possible, j’observe le va-et-vient des gens dans leur quotidien. C'est le temps de la récolte du riz. Les rues, les places publiques, les gradins des temples et les berges de la rivière Hanumante en sont remplis. Sous un soleil ardent, s'aidant de balais, de pelles et de grands plateaux circulaires, des femmes newar s'affairent autour des tas de riz. Elles le débarrassent de la paille qui y est mêlée et travaillent ainsi sans relâche des heures durant.
Emprutant une succession de rues étroites pour me diriger vers la basse ville, je débouche plutôt sur de vastes champs grouillants de villageois s'affairant aux travaux de la récolte. Quelques tracteurs de fabrication indienne ou chinoise sans doute, des boeufs attelés à des vieilles charrettes, des outils aratoires artisanaux, tout porte à croire que c'est la campagne... à quelques minutes à peine du centre de la ville. Décidément, cette ville s'accroche à tout ce qui la nourrit. Le soleil baissant dessine de longues ombres sur la terre asséchée. La vue sur la cité est superbe mais le temps file.
Rejoignant une rue commerçante conduisant au point de rassemblement sur Durbar Square, je ralentis le pas pour profiter, pendant quelques instants encore, de l’atmosphère envoûtante de cette vieille cité. Je m'arrête ici et là dans quelques boutiques. À la recherche d’un souvenir, les touristes ont ici l’embarras du choix. Parmi les objets d’art les plus prisés, les thangkas, peintures religieuses tibétaines, sont très populaires.
À Durbar Square, certains coéquipiers sont déjà de retour. Me retirant pour mettre à jour mon carnet de voyage, un jeune Népalais au sourire figé s’approche et me salue. « Namaste ». Il engage la conversation. Sortant de classe, il me montre son cahier d'anglais et me demande si je veux bien l'aider à compléter un exercice qu'il s'est vus confier comme devoir. Nous nous y mettons et ça va plutôt bien.
À mon tour maintant d'être curieux. Binod est étudiant. Il porte des vêtements à la mode occidentale impeccables de propreté. Il appartient à la caste des brahmanes, la plus haute dans la hiérarchie des castes. Puis il veut que je lui parle de mon pays. Avec des mots simples, il me fait comprendre qu’il rêve du jour où, comme moi, il pourra partir à la découverte d’autres pays. Le temps file. Les coéquipiers se sont mis en route. Poignée de mains, salutations à la népalaise, j’enfile mon sac à dos et pars rejoindre le groupe.
Alors que tout concourait à nous distinguer, âge, culture, religion, langue, voilà que, pendant un moment, les différences se sont estompées par la seule magie de la curiosité et de l’ouverture si bien exprimées par Binod, malgré les hésitations du langage. Puisqu’au Népal, les dieux sont partout, j’ai une envie irrésistible de croire qu’ils ont entendu Binod ! Adieu Bhaktapur, vieille cité aux traditions bien enracinées où pousse une jeune génération curieuse d'ailleurs. Moment inoubliable !
Après le dîner, plusieurs coéquipiers sont fourbus : le décalage horaire, le soleil, la marche. Moi ce soir, c’est la grande forme. La visite de Bhaktapur m'a rempli d'énergie. Partant pour le trek au lever du jour, nous retournons à nos quartiers afin de préparer nos bagages. Les consignes sont sévères : les compagnies aériennes limitent à 15 kg par personne, le poids des bagages transportés dans la soute, et à 5 kg celui du sac à dos de jour que l’on peut apporter avec soi dans la cabine. Nous passons en revue notre matériel. Jean-Guy, mon coéquipier-coloc-photographe, ne se résout pas à couper dans son matériel photographique qui alourdit son duffle bag. « N'importe quoi sauf ça ! » Quant à moi, je m'applique en mettant de côté quelques articles, sans doute superflus, que je laisserai à Katmandou pour alléger mes bagages afin d'être « en règle ».
Se promener à Bhaktapur constitue une expérience assez singulière vu le caractère médiéval de cette petite ville et l'absence de circulation automobile. L'axe principal de la ville traverse Durbar Square, Taumadhi Tole et rejoint Tachupal Tole, la partie la plus ancienne de la ville. Il ne faut pas hésiter à emprunter les petites rues et ruelles qui sillonnent la cité avec une parfaite irrégularité afin d'observer le quotidien des gens qui y vivent à un rythme que nous avons oublié depuis longtemps : porteurs transportant du foin à l'aide de plateaux accrochés à un balancier; potiers façonnant la glaise sur la place; femmes nettoyant le riz mis en tas dans les rues; paysans travaillant la terre avec des outils dont on ne se souvient plus des noms.
Exemple par excellence de l'architecture newar traditionnelle, le grand temple de Nyatapola se démarque de tous les autres notamment à cause de ses cinq toits et de son raffinement. Un long escalier, flanqué de cinq paires de statues prenant forme de lutteurs, d'éléphants, de lions, de griffons et de déesses disposées en paliers successifs, conduit à un sanctuaire dédié à la déesse tantrique Siddhi Lakshmi.
Temple Nyatapola
Le riz est la principale denrée de la vallée de Katmandou. Au temps de la récolte, les rues, les places publiques et les cours intérieures des îlots de maisons dans les quartiers newar deviennent des entrepôts à ciel ouvert. On y étend le riz pour le faire sécher et le nettoyer. La ville bourdonne d'activités. Ce sont surtout les femmes que l'on voit travailler sans relâche sur les places et dans les rues tandis que les hommes travaillent aux champs à la périphérie de la ville.
Durbar Square
Îlot de maisons avec cour intérieure
Bhaktapur
est située sur la rive nord de la rivière Hanumante.
Celle-ci est ponctuée de ghats, ces marches servant
aux bains rituels et aux crémations, érigées
sur les rives des rivières. Au temps de la moisson, les ghats sont « réquisitionnés » pour
le séchage et le nettoyage du riz. Ce travail semble le plus
souvent accompli en petits groupes. Une courte promenade sur le petit
chemin dallé longeant l'Hanumante près de Chuping Ghat vaut le détour.
Rivière Hanumante
Bhaktapur possède des centres d'art et d'artisanat fort intéressants. À ne pas manquer : la galerie d'art située dans la partie ouest du vieux palais; Potter's Square, le centre de poterie le plus réputé de toute la vallée; le Handicrafts Centre reconnu pour ses objets en bois sculpté; le Woodcarving Museum; le Brass and Bronze Museum; les boutiques de thangkas, où l'on voit parfois des peintres à l'oeuvre.
Place des potiers
Temple sur Durbar Square