Nous marchons sous un soleil radieux. Il faisait près de -10°C au lever du jour. Dici peu, le mercure montera autour de 15°C. Comme il fait bon ce matin. Ayant envie dun peu de solitude, je ralentis le pas.
Le sentier surplombant la Dudh Kosi est dégagé. À la hauteur de Lhabarma, la vue porte loin dans toutes les directions. Magnifique. Luza compte tout juste quelques habitations à l'aspect précaire. Plus loin, une caravane de yacks s'est arrêtée dans un pré. Les superbes bêtes tentent tant bien que mal de brouter mais il reste bien peu d'herbe sur ce sol ingrat à l'approche de l'hiver.
Yacks à Machhermo
Le paysage devient austère. Le sentier traverse des kharkas, pâturages de haute altitude constitués de plusieurs champs contigus de petites dimensions, entourés de murets de pierres. Comme c'est souvent le cas en pays de haute montagne, on pratique ici la transhumance. Lété, les jeunes membres des familles sherpas de Khumjung viennent faire paître leurs troupeaux de yacks dans ces kharkas. À mesure que l'été avance, ils déplacent leurs troupeaux dune kharka à lautre, gagnant en altitude à mesure que lherbe devient rare en bas, et que la neige fond plus haut.
Kharka de Machhermo
Depuis le sentier, une vue en plongée révèle la Dudh Kosi qui coule toujours aussi furieusement. Du côté est de la rivière, un sentier parallèle au nôtre se déroule comme un fil sans fin, sur le flanc de la montagne qui encaisse la vallée. Je sifflote, je chantonne dans ma tête pour oublier mon essoufflement. L'air devient plus frare au fil de la montée.
Nous avons dépassé la limite supérieure des arbres. Sur le sol, il ny a plus que buissons rabougris et touffes herbeuses éparses. Dépassé un épaulement rocheux, une large vallée soffre à la vue. Un chörten marque larrivée à la kharka de Machhermo. Les tentes sont déjà installées.
Congé de marche cet après-midi. Je crois que chacun veut profiter de temps libre pour récupérer : lecture, prise de notes, un peu de lessive. Rien qui n'exige un effort physique. Les nuages s'installent au-dessus de la vallée balayée par le vent. Il fait froid. Je fais sécher quelques vêtements encore humides et, comme les autres coéquipiers, me réfugie dans ma tente pour me réchauffer. Cette tente est un véritable palace aujourdhui : il y fait chaud, il y fait bon, je my sens bien et je my endort.
Trop court ce roupillon. À table tout le monde. Le dîner est servi dans un grand pré attenant au lodge : une soupe aux nouilles chinoises délicieuse, des morceaux de poisson en conserve, des pommes de terre et une brioche à la cannelle. Les pommes de terre sont au menu presqu'à tous les jours. Heureusement d'ailleurs. Il arrive souvent que je ne raffole pas des menus principaux qu'on nous sert. Je compense notamment avec les pommes de terre et du pain chapati.
Le parcours de cette journée permet de franchir une nouvelle étape. On quitte ce que les Népalais appellent les « collines », pour pénétrer dans le haut Himalaya. Ici, il n'y a plus à proprement parler de villages mais plutôt des kharkas, regroupement de petits prés servant de hauts pâturages pour les yacks durant l'été. Il n'y a plus d'arbres.
Chorten à l'entrée de Machhermo
Au milieu de ces kharkas, s'élèvent des yersas, maisons secondaires rudimentaires en pierres sèches mal entretenues dans lesquelles s'abritent les jeunes gardiens de troupeaux.
Yersa près de Machhermo
Constituée de quelques habitations et de quelques lodges, dont l'un offre relativement un bon niveau de confort, la kharka de Machhermo est blottie au creux d'une vallée balayée par les vents où vient mourir un glacier. Machhermo constitue un endroit idéal pour faire halte avant d'atteindre Gokyo. Vous voyagez en groupe en style expédition ? Vous pourrez y installer vos tentes à proximité d'un lodge. Si l'acclimatation pose problème, Lhabarma et Luza, une centaine de mètres plus bas, constituent des alternatives valables.
Que vient faire la pomme de terre dans ce récit ? Introduites au Khumbu au milieu des années 1800, la culture de la pomme de terre sest implantée solidement à travers tout le pays sherpa. Elle a modifié profondément une économie qui, jusque là, était essentiellement pastorale et commerçante. Aujourdhui, on la cultive jusquà 4 500 mètres. Avec lorge, elle compte parmi les moyens de subsistance qui ont permis aux Sherpas de sadapter à la diminution drastique du commerce caravanier quils pratiquaient depuis toujours avec les Tibétains.
J'y vois un parallèle avec ma propre expérience. Comme je ne suis pas très « fan » de la nourriture népalaise, sauf exception, je survis grâce aux pommes de terre, aux pâtes à la sauce tomate et au chapati, une sorte de pain plat indien dont je raffiole.
Étape Dole-Machhermo
Durée : environ 3 heures
Dénivelés : + 410 m / - négligeable
Gîte
et repas : Lhabarma, Luza
Carte-itinéraire
Dole-Machhermo