Il est 5h10. Je ne sens plus la nausée. Je tue le temps en marchant autour du camp, prenant de grandes bouffées dair frais pendant que le jour se lève timidement. Le pic du Kongde (Kwangde) sallume. Les rayons du soleil montant s'infiltrent graduellement dans la cuvette de Namche, illuminant les unes après les autres les étages du village en contrebas.
Il fait froid. Les coéquipiers sortent de leur tente les uns après les autres. Quelques uns se plaignent des symptômes du rhume. Alors que le camp sanime, un gros gorak, sorte de corbeau de l'himalaya, passe au-dessus du camp et lâche sa fiente visqueuse. Je suis lélu ! Il n'aurait pu viser plus juste le salopard. Éclats de rire, tandis que je mempresse de nettoyer mon anorak. France me dit que ça me portera chance. Quand même, cest pourtant vaste ici ! Pourquoi ces bestioles ailées ne sarrêtent-elles pas « comme tout le monde » pour se libérer les intestins ? Le temps est définitivement à la chiasse ! Je ris de bon cur.
Ce matin, je prends le petit déjeuner avec les autres et ça passe. Je jubile. Il est impératif que je me mette en mouvement maintenant. Isabelle et le grand Sylvain, les deux autres éclopés de Namche, sont d'accord. Nous monterons sur un petit plateau au-dessus du village où la vue est magnifique nous dit-on. Tout juste une petite marche de santé. Effectivement, la vue sur les profondes vallées environnantes y est superbe. On peut voir au loin lAma Dablam (6 856 m), le Lhotse (8 501 m) et le sommet de la pyramide de lEverest (8 850 m). Il fait beau temps mais cest venteux. Nous redescendons tranquillement au camp.
En fin daprès-midi, Pascal me propose de descendre au village. Jean-Guy et Jean-François sont de la partie. Jessaie de garder le rythme. À l'approche du village, les sentiers étroits et caillouteux se transforment en ruelles reliées par des paliers et des escaliers de pierres rudimentaires. De chaque côté, maisons, auberges et boutiques s'entassent les unes sur les autres. Électrifié, le village dispose d'une école primaire, d'un bureau de poste, d'un dispensaire, d'un mini-poste de police, du téléphone et de quelques cafés Internet. On peut y acheter à peu près n'importe quoi .
Nous nous rendons à la place du marché. Demain, comme à tous les samedi, sera jour de marché à Namche Bazar, le Haat Bazar, une institution datant de plusieurs dizaines d'années. Les Sherpas habitant les villages du Khumbu viennent sy approvisionner et y vendre leurs surplus. Bon nombre d'entre eux marchent plusieurs jours pour se rendre au marché. Les Sherpas sont non seulement des pasteurs, mais aussi des commerçants. Après avoir traversé avec leurs yacks le Nangpa La, un col à 5 715 mètres daltitude, des Tibétains viennent aussi commercer au Haat Bazar,
La place du marché s'étale sur quelques paliers étroits en terre battue. À chaque extrémité, des marches en pierres permettent de passer d'un palier à l'autre. Les préparatifs vont bon train. Déjà, on a peine à circuler à travers la foule bigarrée. La marchandise est entassée pêle-mêle sur des étals de fortune, des boîtes en carton ou en bois ou simplement sur des couvertures étendues sur le sol. On y trouve légumes, riz, viande séchée, moufles et bonnets en laine de yack, bijoux, sac à dos, kérosène, encens et autres babioles de toutes sortes.
Le Haat Bazar
Sur le chemin du retour, nous nous laissons tenter et entrons à la Hermann Helmer's Bäckerei und Conditorei, la fameuse pâtisserie allemande. Pendant que mes compagnons de route dégustent des pâtisseries avec un appétit vorace qui me rend jaloux, j'achète un beignet et un coca que japporterai à la tente, pour le moment ou la fringale me surprendra enfin pour de bon.
Il fait presque nuit maintenant. Il faut remonter au camp sans plus tarder. Lentement suggère Pascal, n'ignorant pas ma condition. Lentement dit-il !!! Je dois faire deux pas pour rattraper chaque pas du géant blond. Le chemin est caillouteux et monte sans cesse. Jai oublié ma lampe frontale et je ny vois presque rien. Je sue à grosses gouttes et je souffle comme un buf au travail. Ce moment est important, j'en ai la conviction. Je ne me laisserai pas distancer... enfin pas trop.
Pascal me demande si ça va ! J'ai la gorge sèche. Je parviens néanmoins à lâcher un oui minuscule, enroué, étouffé. Mais un oui tout de même, car je monte toujours, accroché comme un aimant aux pas du géant.
En arrivant à la terrasse où est installé notre bivouac, je n'ai plus de souffle et mes jambes tremblottent. Jean-Guy et Jean-François sont trempés et essoufflés aussi. Quant à Pascal, ne parlons pas de son état ! Il arpente les sentiers de l'Himalaya depuis des années. Devant les coéquipiers venus nous accueillir, Pascal me tape sur l'épaule avec un large sourire. Il est très surpris du rythme que jai pu maintenir durant la montée. Moi aussi d'ailleurs. Était-ce un test ? Quoiqu'il en soit, je viens de changer de statut... d'éclopé à miraculé.
Contrairement à ce qu'on lit la plupart du temps, Namche Bazar n'est pas la capitale du pays sherpa. Salleri, plus au sud est le véritable centre administratif du Khumbu. Namche Bazar est cependant le centre commercial et touristique le plus important du Khumbu.
Namche compte une centaine d'habitations mais le village ne cesse de se développer. Les auberges y sont nombreux et il s'en construit de nouveaux à chaque année. La nourriture est variée. Le steak de yack et la tarte aux pommes sont particulièrement populaires. Téléphone, télécopieur, bureau de poste, café Internet, clinique dentaire sont au nombre des principaux services que l'on y trouve. On peut aussi y faire sa lessive. Le soir, plusieurs lodges mettent au progamme des séances de projection de diapositives ou de visionnement de films sur vidéo. On peut même jouer une partie de billard à Namche.
Namche Bazar de même que Chhorkung, un petit village situé tout près sur les hauteurs de Namche Bazar, comptent de nombreux endroits où les groupes de trekkeurs voyageant en autonomie peuvent établir leur bivouac. La plupart de ces espaces sont attenants aux lodges.
Chhorkung sur les hauteurs de Namche
Ainsi, nos tentes ont été installées sur une petite terrasse accrochée à la paroi de la montagne surplombant Namche. Comme cette terrasse n'était pas assez large pour accueillir la tente cuisine, Babu, notre sirdar, a pris arrangement avec le propriétaire d'un lodge à proximité afin que nous puissions y prendre les repas préparés par notre propre équipe de cuisiniers. À Namche Bazar, tout est possible. On peut très facilement négocier un arrangement qui conviendra à nos besoins.
Bivouac à Namche Bazar
Excursion autour de Namche
Khunde et Khumjung : prévoir une journée
Thame : prévoir une journée
Carte-itinéraire
Région de Namche Bazar