Comme des Sioux sur le sentier de la guerre, nous avançons lentement. Aujourd'hui, nous empruntons un itinéraire qui nous conduira, au cours des prochains jours, de la vallée de Gokyo à la vallée de Lobuche, une fois franchi le col Cho La (Chugyuma Pass). Nous traverserons une région isolée. Les trekkeurs y sont rares. Hier, Babu est allé faire une reconnaissance dans la région. La trace n'étant pas toujours évidente, la consigne est simple : rester regroupés dans la mesure du possible ou, à tout le moins, demeurer à portée de vue d'un guide sherpa. Pour le moment, nous suivons les yacks qui vont lentement leur chemin. Jen profite pour souffler un peu.
Départ pour Thangnag
La voie d'approche au glacier offre des vues superbes et grandioses. Nous descendons au fond d'une petite vallée en suivant une piste bien marquée. La piste conduit à la moraine latérale du glacier Ngozumpa, une pente abrupte et caillouteuse qui le borde sur toute sa longueur. Nous y grimpons en suivant les nombreux cairns indiquant le chemin. Le glacier, recouvert de débris rocheux, est maintenant visible en contrebas. Babu scrute la masse glaciaire pendant que nous faisons une courte pause pour prendre notre ration d'eau bouillie. Nous amorçons la descente sur l'autre face de la moraine pour enfin franchir le glacier. La marche sur le glacier est ardue. La piste n'est pas évidente. Les guides sherpas surveillent leurs points de repères et tracent le chemin. Le glacier franchi, le reste du parcours est relativement aisé.
Voie d'approche au glacier Ngozumpa
Après quelques heures de marche, se détache au loin, la kharka de Thangnag (Thagnak ou Dragnag) située à 4 700 mètres d'altitude. Nous camperons dans un haut pâturage à yacks près d'un lodge perdu au milieu de nulle part. Tout autour, il n'y a que hauts sommets et neiges éternelles. Les porteurs ont établi leur quartier un peu plus loin, sur un replat, dans le flanc de la montagne.Pendant le déjeuner, comme à l'habitude, les taquineries vont bon train. Personne n'y échappe. En après-midi, nous profitons du congé de marche pour mettre un peu dordre dans nos affaires, faire un peu de lessive, lire et même somnoler au soleil. Cest la dolce vita enfin, avec un peu dimagination !
Dès que le soleil baisse, le froid nous gagne. J'enfile laine polaire et doudoune en duvet pour garder un peu de chaleur. Sylvain « les tuques » fait les cent pas pour se réchauffer. Il aime bien ce trekking mais trouve le froid terrible. Pourquoi « les tuques » ? Tanné du froid, il s'est acheté une tuque en poil de yack à Namche Bazar. Mais elle pique et il ne cesse de s'en plaindre. Pierre, avec sa bonne humeur coutumière, me confie quil a connu sa plus mauvaise journée hier lors de lascension du Gokyo Ri. Manque de sommeil selon lui. Comme à l'habitude, France ne mène pas de bruit. Sur la piste, son rythme est régulier et elle a beaucoup dendurance. Mais ce quelle peut être frileuse. Elle se camoufle la plupart du temps sous plusieurs épaisseurs de vêtements et porte même sa doudoune en duvet pour dormir dans son sac de couchage.
Sylvie, quant à elle, continue de sinformer régulièrement de chacun. Son calme est apaisant. François, son conjoint, serait-il venu au Khumbu dans une autre vie ? À la vérité, je le soupçonne de lire et de relire en secret la description de chaque étape du trek dans son guide de trekking dès qu'il dispose d'un moment libre. Sur la piste, il n'hésite pas à attirer notre attention sur une montagne moins connue ou une vue lointaine qui pourrait nous échapper. Comment se portent Stéphane et le grand Sylvain aujourd'hui ? Ces deux coéquipiers continuent à gérer méthodiquement l'effort, le repos et les portions alimentaires comme des pros de la montagne. Isabelle s'est complètement remise depuis Namche Bazar. Toute menue, elle tire superbement bien son épingle du jeu. Daniel fait son boulot. Il questionne, s'informe de nos impressions, prend des notes et des photos tandis que Philippe fait des croquis et s'amuse... souvent à nos dépens. Quant à Benoît, que ferions-nous sans lui ? Il trouve toujours le mot pour rire et s'amuse à nous dire que la lune de miel entre nous achève. Bientôt, les petits travers des uns tomberont sur les nerfs des autres.
Après le dîner, Jangbu fait une entrée triomphale dans la tente cuisine avec un gros gâteau quil a préparé pour souligner lanniversaire de Jean-Guy. En chur, nous entonnons le traditionnel « Bonne fête Jean-Guy ». Suit, le petit briefing qui termine la journée. Demain est le jour « J » du trek. Une longue et difficile journée nous attend. Réveil à 4h00, petit déjeuner rapide à 5h00 et départ sans tarder. Il fera encore nuit. Aussi, mieux vaut ne pas trop éparpiller notre matériel car nous ferons les bagages à la lueur de la lampe frontale. Il importera de partir au plus tôt pour réussir à passer le col tandis que la neige sera encore dure. Après plusieurs heures densoleillement, la neige ramollit et défonce plus fatiguant et plus dangereux. Je suis prêt. J'attends ce moment depuis si longtemps.
La traversée du col Cho La (Chugyuma Pass ou Tsho La) est une aventure en soi. Permettant d'emprunter un sentier peu fréquenté traversant une région sauvage exceptionnellement belle, cette traversée est toutefois cotée difficile par les auteurs de guides de trekking. L'effort additionnel qu'exige cet itinéraire en vaut franchement la peine. Mieux vaut être bien acclimaté cependant et en bonne condition physique avant de s'y attaquer.
Lorsque l'on dispose de temps, la situation idéale consiste à prévoir trois jours pour effectuer cette traversée :
une
courte journée pour se rendre à la kharka de
Thangnag (Dragnag);
une
longue journée pour traverser le col avec coucher à la kharka de
Dzonglha;
une
dernière journée relativement courte pour rejoindre
Lobuche. On peut pousser la marche jusqu'à Gorak Shep pour
gagner du temps.
La situation idéale consiste évidemment à se faire accompagner par un guide sherpa qui connaît bien cette région. Le sentier par lequel s'effectue la longue traversée du col est souvent indiquée sur les cartes par Cho La Pass Phedi (phedi signifie sentier en nepali alors que La désigne un col en tibétain).
Cho La Pass Phedi
Advenant que le col soit bloqué, on peut suivre à rebours le sentier emprunté pour monter sur Gokyo (Machhermo, Dole) et se rendre à Phortse. De là, on peut rejoindre facilement la voie classique conduisant à l'Everest. C'est le chemin le plus direct. Une alternative consiste à joindre la kharka de Thangnag en traversant le Ngozumpa ou Na (Nha) à la hauteur de Pangla et à suivre le sentier accroché à la paroi est de la vallée de la Dudh Kosi jusqu'à Phortse. On y traverse les minuscules bourgs de Thore, Thare, Gyengyo et Konar. Cette piste étant peu fréquentée, les lodges et teahouses y sont peu nombreux. À défaut de voyager en complète autonomie, il est indiqué de s'informer si l'un d'eux est ouvert.
Le Ngozumpa (Ngojumba) est le plus long glacier du Népal. Il s'étire sur environ 16 km. Une bonne part de sa surface est recouverte de débris rocheux. Sa traversée, à la hauteur de Chadoten, ne présente pas de risque exagéré dans des conditions normales. Avant de s'engager sur le glacier, il importe de repérer la piste la plus récente car les glaciers avancent... et les anciennes pistes ne conduisent plus là où elles devraient..
La traversée
Thangnag est une petite kharka blottie au milieu de nulle part. Deux lodges y ont été aménagés. Il importe de s'assurer qu'ils sont ouverts si l'on ne voyage pas en complète autonomie. Il est possible de faire du camping dans les petits pâturages attenants aux lodges.
Bivouac à Thangnag
Etape Gokyo - Thangnag
Durée : environ 3 heures
Dénivelés : négligeable
Gîte et repas : Thangnag
Carte-itinéraire
Gokyo-Thangnag